Entre force de justice et justice forcée, la frontière est fine

... Nous y voilà.

L'immense QG de l'Akhadopi, prestigieux et stoïque, se tient devant le jeune Erik Nyster, poussé en avant par un bracelet qui semblait vouloir l'inciter à entrer.

... Bracelet du nom d'Anilya, son Nandesu, qui brillait d'une lueur pâle.

*Enfin...*

Le mot résonna dans la tête de l'ensorceleur, tandis qu'il soupirait.

Tandis qu'il soupirait, un garde lui fit signe.

"Hey, vous cherchez quelque chose ?"

En effet, Erik se tenait devant le bâtiment depuis plusieurs minutes, sans s'avancer pour autant...

L'akadhopi. Cette institution, garante de la justice, qui imposait sa loi à tous les possesseurs de Nandesus, se dressait devant Erik, lui ouvrant ses portes.
Et maintenant qu'il était là, il n'était plus du tout sûr de vouloir y entrer. Pour être franc, il n'avait même jamais été sûr.

*Enfin* fit une voix dans sa tête. Il soupira. Voilà la raison de sa présence ici : Anilya, son Nandesu. Comme d'habitude, elle l'avait tanné pour obtenir ce qu'elle voulait. Et comme d'habitude, il avait fini par obtempérer.

Quand il y pensait, c'était grâce à elle qu'il avait voyagé avec ses amis, aidant ceux qui avaient besoin de leur magie. C'était son idée. Puis elle l'avait forcé à quitter ce groupe pour rejoindre l'Akadhopi. C'était... blasant, songeait-il.

"...pouvez nous dire comment s'inscrire à l'Akadhopi , s'il-vous-plaît ?"

La voix d'Anilya sortit Erik de sa torpeur, et il se rendit compte qu'un garde s'était approché de lui. Il lui lança un sourire mal assuré, et ajouta, plus pour meubler qu'autre chose :

"Euh, oui, elle a raison. J'aimerais m'inscrire."

Le garde sourit.

"Eh bah, on dirait un élève qui entre dans une école... Mais bon, c'pas tous les jours qu'on a un porteur de Nandesu qui se présente. Vient, j'vais t'emmener au recrutement."

Nyster suivit le garde, tandis que celui-ci le guidait dans les superbes locaux de l'Akhadopi... Tout semblait beau et neuf. Les gens travaillaient dans un silence d'or... Le garde mena le jeune Erik au premier étage, jusqu'à un bureau. Sur la porte de celui-ci était indiqué "Recrutement".

Toquant à la porte, le garde lança :

"Hey Syl, j't'emmène un candidat !"

Une voix de femme répondit :

"Oh ? Fais-le entrer..."

Le garde ouvrit la porte, donna une tape sur l'épaule d'Erik, et s'en alla en lui souhaitant une bonne journée.

Le bureau n'était pas bien grand, et 3 chaises étaient à disposition d'un coté du bureau, tandis que derrière se tenait une femme d'une trentaine d'année maximum, aux yeux bleus aussi profond que son... décolleté...

La belle jeune femme brune lança alors, d'une voix douce :

"Bonjour, vous cherchez un poste chez nous ?"

Le jeune homme était troublé. Il s'assit devant la responsable, et tout en empêchant son regard de dévier, il lui répondit, balbutiant :

"Hein ? Euh... Hum... Oui oui, je... je viens chercher un poste... oui..."

Il eut un court silence gêné, dont profita le Nandesu :

*Eh ben alors, présente toi !*

*Hum ? Ah oui !*

Il inspira un grand coup, pour se redonner contenance, vrilla son regard dans les yeux de la demoiselle - toujours pour éviter de le laisser glisser - et reprit :

"Ahem... Excusez moi. Je m'appelle Erik Nyster, et je suis ensorceleur. Oh, et mon nandesu se nomme Anilya."

"Enchantée."

"Et donc je suis venu ici pour... euh... 'fin car je souhaiterais obtenir un poste à l'Akadhopi. Voilà."

"Oooh, je vois, eh bien dis moi, quelles sont tes motivations, et quel genre de poste recherches-tu ?"

La jeune femme parlait avec gentillesse, mais bien que l'on put croire qu'il s'agissait de moquerie, il s'agissait d'une sympathie naturelle. Tandis qu'elle parlait, elle rassemblait quelques papiers, et commençait à écrire.

"Euh... Eh ben, je... euh..."

Là, elle lui posait une colle. Les motivations, c'était Anilya qui les avait, pas lui... Alors forcément, lui-même n'avait jamais réfléchi au poste qu'il aurait voulu occuper... Son Nandesu l'invectiva :

*Mais qu'est-ce que t'attends, Erik ? Dis quelque chose !*

*Ben t'es marrante, que veux tu que je lui dise ?*

*Ahlala...*

Constatant que son porteur manquait d'arguments, Anilya prit la parole :

"Erik et moi souhaitons rejoindre l'Akadhopi parce qu'on trouve intolérable que des personnes et leurs Nandesu profitent de leurs pouvoirs pour violer la loi et s'en prendre aux plus faibles ! Personne n'est au dessus des lois, et c'est aussi valable pour les Nandesu ! Maintenant que la pays est sorti de la guerre, nous devons aider la population ! Elle déjà assez souffert ! Et c'est pourquoi nous souhaitons mettre nos pouvoirs à votre service. Pour faire triompher la justice !"

Anilya avait parlé avec force et conviction, tandis que Nyster était resté muet, remarquant au passage qu'elle utilisait beaucoup le "nous". Et aussi "justice" et "loi", mais ça, il s'en doutait. Visiblement, elle l'incluait dans le lot. Pour changer...

"Hum... je vois..."

La jeune femme notait, lançant un regard intéressé lorsque le Nandesu s'exprimait.

"Donc, vous êtes porteur de Nandesu... Et celui-ci semble motivé. Mais qu'en est-il de vous, Erik ?"

La question était accompagnée d'un sourire charmant, à la limite entre intérêt et sournoiserie.

Là, ils avaient un problème. Et Erik savait que s'il n'était pas pris, Anilya lui en poserait bien d'autres... Il fallait qu'il la soutienne, et il venait de trouver quoi dire :

"Eh bien... Vous savez, j'ai passé quatre ans à voyager à travers le pays. J'ai vu de mes yeux les habitants opprimés par la guerre, et nous leur avons apporté notre aide, usant de notre magie pour leur apporter un peu de lumière. Maintenant que la guerre est finie, le danger est que des porteurs de Nandesu en profitent pour de nouveau, euh... martyriser la population, vous voyez ? Je n'ai pas envie de laisser ces gens que j'ai aidé revivre le même enfer, ou de perdre des proches, maintenant que la guerre est finie."

*Eh ben, tu t'es surpassé !* commenta Anilya, à la fois sincère et légèrement surprise. *Bon, y a un moment ou tu as... enfin tu vois, non ?*

*Oui, bon, ça va, hein ?* répliqua le mage, un peu irrité.

La femme sourit, visiblement satisfaite.

"Hum, nobles intentions, malgré une volonté pas très ferme... Mais ton Nandesu semble compenser."

Puis, la femme ferma son dossier, et posa son menton dans sa main, se penchant en avant légèrement... Avec les conséquences impliquées évidentes.

"Une dernière question : auriez-vous rejoint l'Akhadopi sans votre Nandesu, ou la quitteriez vous si vous veniez à le perdre ?"

La question était sombre, car la "perte" d'un Nandesu n'était autre que la mort de l'âme de l'objet. Cependant, la femme garda son sourire et son calme.

*Ah bah elle est gonflée celle-là, comme si j'allais perdre la vie au moindre danger !* lacha Anilya, acerbe.

De son côté, Erik, après avoir fait un effort surhumain pour maintenir son regard à la hauteur des yeux de la jeune femme, répondit avec calme :

"Eh bien... pour être honnête, c'était sur l'idée d'Anilya que moi et mes amis avons décidé de faire ce voyage pour aider la population. Alors si ce que j'y ai vu aurait pu m'amener à vouloir rejoindre votre institution, sans mon Nandesu, vivre ce voyage n'aurait pas été une... disons, certitude. Quant à la possibilité de la perdre, je préfèrerais ne pas l'envisager... Anilya et moi sommes complémentaires, et je ne sais pas si je vous serais aussi utile sans elle. Mais si vous veniez à penser le contraire, je resterais combattre à vos côtés... même si je pense que je préférerais à ce moment là occuper un poste, euh... enfin ailleurs que sur le terrain."

Erik, s'étant rendu compte de ce qu'il venait de dire, avait ajouté en vitesse cette dernière phrase un peu bancale, de peur que sa franchise ne leur soit préjudiciable. Il cherchait à éviter la casse, en somme. Pendant ce temps, Anilya restait parfaitement muette, attendant probablement la réaction de la jeune femme.

Après un sourire franc, la femme lança :

"Soit ! Bienvenue chez nous, Mr Nyster !"

Puis, en se levant, elle lui tendit la main.

Erik se leva à son tour, soulagé à défaut d'être heureux. Il lui serra la main, - fixant toujours son visage, celà va de soi - et lui répondit :

"Merci beaucoup. Nous sommes ravis de rejoindre l'Akhadopi."

"Nous ne vous décevrons pas !" ajouta le Nandesu d'une voix tremblante d'excitation.

"Je n'en doute pas." lança en souriant la jeune femme.

"Je m'appelle Elys Kaliel, mais appelle-moi Elys, si je peux te tutoyer... Je serais ton supérieur hiérarchique direct à partir d'aujourd'hui. A dire vrai, la plupart des recruteurs sont des gradés à la recherche de nouvelle recrue, et non des personnes formées spécialement aux ressources humaines..."

Elys souriait, comme si elle était fière de son mauvais coup. Puis, passant sa main dans ses cheveux pour se recoiffer rapidement, elle lança :

"Soit ici demain à la première heure. Si tu étais itinérant, tu n'habite surement pas Corepia... Ça te laisse l'après-midi pour t'occuper de tes transports, et éventuellement logement."

Puis, son œuvre capillaire finie, elle lui tend le papier sur lequel elle avait écrit précédemment, lequel était plié en deux.

"Va dans le 3ème bureau à droite en partant à gauche d'ici, et donne leur ce papier. Tu seras libre juste après ça."

La jeune femme avait, au fur et à mesure, un sourire sérieux, et lança sa dernière phrase en s'installant dans son siège, croisant les jambes et ramenant sa main à son menton.

"A plus tard, Erik !" termina-t-elle d'un ton enthousiaste.

"Ah. Bah... merci, alors, euh... Elys..." répondit Erik, l'air un peu déboussolé, en prenant le papier

"Bonne journée !" ajouta Anilya, tout aussi enthousiaste que la jeune femme.

Erik salua Elys, puis sortit finalement du bureau de sa supérieure. C'est une fois à l'extérieur de la salle que son Nandesu laissa exploser sa joie :

"On l'a fait, ça y est ! On est enfin rentré, tu te rends compte ! Toi et moi, à l'Akhadopi ! C'est fantastique !"

"Oui oui, on a réussi. Nous y sommes." répondit plus sobrement l'ensorceleur, qui songeait à ce qu'avait dit sa nouvelle chef : il leur fallait assez vite trouver un logement. En fait, il avait pas mal de choses à faire, à commencer par aller remettre un papier dans un bureau...

*A droite ou à gauche ?* se demanda-t-il soudainement, confus.

Un soupir accueillit sa question, suivi de *Le bureau est vers la gauche. Le troisième à droite.*

*Ah oui, merci...*

Il entra dans le bureau indiqué, et s'annonca, présentant le papier :

"Bonjour. madame Kaliel m'a demandé d'amener ceci dans ce bureau."

Dans le bureau se trouvait un homme aux cheveux bleus mi-courts et aux yeux verts, d'une trentaine d'années maximum. L'homme fut un peu surpris de l'arrivée du jeune homme et lut la papier. Puis, après un long silence, il eut un grand sourire, se mit à rire, et lança :

"Ahah, bonjour, Erik c'est ça ?"

Sans vraiment attendre de réponse, il alla vers une des nombreuses armoires du fond de la salle, agencée comme des bibliothèques. S'arrêtant devant l'une d'elle, il sorti un sac, qu'il posa sur le bureau.

"Voici votre uniforme, Mr Nyster. Tenue complète, ainsi que plusieurs objets pouvant porter votre grade. Obligation d'en porter au moins un, afin que le grade soit visible en un coup d’œil, vous comprenez ?"

Puis, après avoir rempli un papier rapidement, il lança :

"Emmenez ça au fond à droite, en partant à gauche, pour récupéré votre badge de recrue."

Erik saisit le sac et observa un temps l'uniforme. Son uniforme. Il caressa l'étoffe bleu marine non sans éprouver une certaine fierté, chose à laquelle il ne s'attendait pas, lui qui il y a moins d'une heure n'était pas du tout sûr de vouloir intégrer l'Akhadopi.

"Hum... oui, je comprend." dit-il en attrapant ce qui plus tard supportera ses gallons. Il rangea l'ensemble dans la poche centrale de son Havresac, priant pour que le costume ne se froisse pas trop, et lança en sortant :

"Merci pour l'uniforme, monsieur. Et passez une bonne journée !."

Et il se retrouva de noueau dans le couloir, un autre papier dans la main.

*Ah, les joies de l'administration !* ironisa-t-il en partant sur sa gauche.

Dans le bureau en question se tenait un nain aux allures un peu rustres, à la pilosité rousse et aux yeux plissés, et dont l'uniforme rendait beaucoup moins bien qu'une armure classique...

Celui-ci, voyant Erik entrer, lança :

"Hum ? On est nouveau, le bleu ?"

*Eh ben, quel accueil !* songea Erik, désarçonné par cette brusque entrée en matière.
*Allons, tu sais bien que tous les nains sont comme ça.* rétorqua Anilya, nullement gênée pour sa part. Et ce fut elle qui répondit, de façon tout à fait neutre :

"Eh bien oui, nous venons d'être acceptés, et nous sommes venus pour qu'Erik, mon porteur, récupère son badge. Il a d'ailleurs un document à vous transmettre."

"Euh... oui, tenez." ajouta Erik d'une voix faible, en tendant le papier.

Le nain attrapa doucement le papier, le lut, et éclata de rire.

"Ahahahah ! Alors comme ça, j'vais devoir m'occuper de t'montrer comment marche la maison... Eh bien soit, "Erik" ! Bienvenue dans l'Akhadopi !"

Puis, se levant de son siège, et attrapant sa hache et un badge, il enfila son casque et lança :

"Vient par là mon grand, on va voir c'que tu vaux !"

Puis, sur ces mots, il se dirigea vers la sortie de la salle.

Visiblement, Anilya avait - *encore* - raison. Le nain était certes un peu brusque, mais il n'était pas méchant. Mais la dernière phrase qu'il prononça le laissa pensif.

*Euh... qu'est-ce qu'il veut dire par là ?* se demanda-t-il en avisant la hache qu'avait saisi le nain.

*On verra ! Mais ça m'étonnerais qu'il veuille te provoquer en duel, si tu veux mon avis.* répondit calmement le Nandesu.

L'ensorceleur haussa les épaules, l'air résigné, puis il emboîta le pas du nain, silencieux.

Après avoir pris une plate-forme permettant le voyage entre les étages, les deux sortirent et débouchèrent sur le toit. Sur celui-ci se trouvait une cage, dans laquelle se trouvait un homme recroquevillé dans un coin.

"Alors le jeune, tu te sent prêt ?"

Le nain lançait ces mots en se dirigeant vers la cage. Alors qu'il touchait à la cage, l'homme recroquevillé tressaillait, mais ne se relevait pas pour autant.

"Cet homme a été arrêté à cause du danger qu'il représentait. Voyons ce que tu sais faire..."

"Euh... Ce que je sais faire de quoi, au juste ?" demanda Erik, pas spécialement à l'aise. Puis il comprit.

*Aaaaaah... je vois !* songea-t-il, regardant le criminel encagé, qui semblait fortement diminué. Et cela ne l'enchantait guère.

"Attendez, vous voulez que je me batte avec lui ?" ajouta-t-il, l'air légèrement choqué.

L'homme dans la cage se relevait de manière erratique, en se prenant la tête régulièrement avec sa main gauche.

"Allez le bleu, sur le terrain on te tiendra pas par la main !" lança le nain, gardant tout de même une main sur sa hache.

L'homme dans la cage se retourna. Sa peau semblait être un patchwork de morceaux de peau, tandis que son bras droit était un assemblement technomagique. Dans cri de rage, il s'élança en direction d'Erik, son bras droit se transformant en ce qui semblait être un marteau.

La vue de cette créature, qui avait probablement été livrée en kit à des personnes pas très manuelles, acheva de choquer le mage. Il se demandait s'il pouvait attaquer cette étrangeté qui semblait déjà avoir eu son compte, et était condamné à passer le reste de sa vie enfermé. Au fond, il avait pitié de lui, et ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour ça.

En effet, tandis qu'il tergiversait, l'être poussa un cri de rage et commença à charger, un marteau à la place de la main. Pris par surprise, le mage s'embrouilla dans ses sorts, et avant qu'il n'ait pu esquisser un geste, ou prononcer une parole, l'homme était déjà trop près. Paniqué, Erik fit un pas en arrière et hurla :

"PLAAAIIIT-IIIIIIIIIL AAAAAAAAAAAAAAAAH !"

Mais cette fois-ci, aucun de ses amis n'était là pour lui prêter main forte. Il se tourna alors tout naturellement vers celle en qui il avait une confiance profonde (et vers qui il se serait tourné de toutes façons, que ses amis soient là ou pas) ; aussi son cri se mua-t-il en un appel désespéré :

"AAAAAAAANIIIIIIILYYYYAAAAAAA !!!!!"

[HRP]Juste au cas où : mon post se termine ici [/HRP]

Après un profond soupir intérieur blasé, un flash de lumière matérialisa un bouclier sur le bras d'Erik, lequel para l'assaut de la créature dans un bruit de métal clinquant. La créature grogna et recula légèrement, tandis qu'Erik s'était presque fait renverser par la violence du choc, mais avait tout de même gardé son équilibre.

Pas le temps de rêvasser, le bouclier disparu et une arme d'hast se matérialisa dans les mains d'Erik, accompagnée d'un ordre mental bref, mais simple :

*Qu'est-ce que tu attend ? Frappe !*